Les rencontres annuelles dans le cadre de l'Initiative pour un Atlas des Libellules du Québec à la maison Gault, au mont Saint-Hilaire, sont toujours un excellent endroit pour échanger et discuter des différentes observations et découvertes que nous avons faites durant l'été. Tous les intervenants sont des gens passionnés par l'odonatologie et grand merci à Michel Savard de savoir stimuler cet intérêt et promouvoir la connaissance de ce groupe d'insectes.
Lors de la plus récente réunion, tenue en novembre dernier, il a été question des sympétrums mâles que j'ai capturés puis photographiés près de l'exutoire du lac Saint-Paul, le long de la rivière Godefroi, le 5 septembre 2016. C'est grâce à la perspicacité et à l'expertise de Guy Lemelin et Michel Savard que ce que j'avais d'abord présenté comme un sympétrum intime (Sympetrum internum) dans mon blog concernant le lac Saint-Paul en septembre dernier s'avère plutôt être un sympétrum de Jane (Sympetrum Janeae) ! Fait marquant, il s'agirait de la présence la plus nordique connue au Québec. Toutefois il y a lieu ici de faire une mise en garde car le rang d'espèce de ce taxon demeure controversé. En effet, certains spécialistes suggèrent que Sympetrum janeae serait une variante de Sympetrum internum alors que d'autres préconisent la thèse de l'hybridation entre Sympetrum internum et Sympetrum ribicundulum.
Des travaux sont en cours pour caractériser les populations québécoises de ces sympétrums dans le cadre de l'Initiative pour un Atlas des Libellules du Québec. Les données préliminaires indiquent que les mâles du S. janeae sont d'une taille moyenne significativement plus grande que ceux du S. internum (mesurez au moins une douzaine de spécimens provenant du même milieu):
- longueur moyenne de l'aile postérieure plus grande ou égale à 24,5 mm = S. janeae
- longueur moyenne de l'aile postérieure plus petite ou égale à 24,0 mm = S. internum
Pour un oeil averti il serait possible de différencier S. internum de S. janeae ; il y a principalement quatre critères à vérifier:
- la forme du hamule chez le mâle, le caractère principal, est conique chez S. janeae et digitée chez S. internum (voir schéma et micro-photographies ci-dessous), difficile à apprécier à la loupe sur le terrain;
- la couleur de la face chez les individus âgés, beige à brun pâle chez S. janeae et rougeâtre chez S. internum (Retenez que les jeunes individus en reproduction du S. internum ont la face plutôt jaunâtre);
- le nombre de rangées de cellules dans la région anale de l'aile postérieure, généralement plus de cellules chez S. internum;
- la présence de taches noires sur le dessus du 8e et du 9e segment abdominal, caractéristique à vérifier et à explorer, généralement présentes chez S. internum et généralement absentes chez S. janeae.
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Forme typique du hamule chez trois espèces semblables de sympétrums
(dessins de Michel Savard). Notez que l'angle de vue est important pour
bien percevoir la forme du crochet : conique chez S. janeae et digitée
chez S. internum.
SCHÉMA - COPYRIGHT - GRACIEUSETÉ DE MICHEL SAVARD |
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MICRO-PHOTOGRAPHIES - COPYRIGHT - GRACIEUSETÉ DE MICHEL SAVARD |
Les photographies qui suivent sont celles d'individus observés et/ou capturés et relâchés le 5 septembre 2016 le long de la rivière Godefroi.
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Individu photographié seulement. La couleur de la face suggère un Sympetrum de Jane - Sympetrum janeae |
PHOTOGRAPHIES DU PREMIER INDIVIDU CAPTURÉ ET RELÂCHÉ
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Vraisemblablement un sympétrum de Jane - Sympetrum janeae |
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Vue rapprochée des cellules de la région anale de l'aile postérieure,du hamule et de la face - vraisemblablement un sympétrum de Jane - Sympetrum janeae |
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Vue rapprochée des cellules de la région anale de l'aile postérieure - vraisemblalement un sympétrum de Jane - Sympetrum janeae |
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Vue rapprochée du hamule - vraisemblablement un sympétrum de Jane - Sympetrum janeae |
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Vue rapprochée de la face - typiquement un sympétrum de Jane - Sympetrum janeae |
PHOTOGRAPHIES DU DEUXIÈME INDIVIDU CAPTURÉ ET RELÂCHÉ
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Vraisemblablement un sympétrum de Jane - Sympetrum janeae |
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Vue rapprochée de la région anale de l'aile postérieure et du hamule - Vraisemblalement un sympétrum de Jane - Sympetrum janeae |
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Vue ventrale de la région anale de l'aile postérieure et du hamule - vraisemblablement un sympétrum de Jane - Sympetrum janeae |
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Vue rapprochée de la face - typiquement un sympétrum de Jane - Sympetrum janeae |
Pour mieux saisir les subtiles différences entre Sympétrum de Jane - Sympetrum janeae et Sympétrum intime - Sympetrum internum, voici des photos de Sympétrum intime démontrant les caractéristiques typiques de cette espèce.
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(Photo-1) Sympétrum intime - Sympetrum internum mâle adulte - 28 août 2016 à pointe Yamachiche |
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(Photo-2) Vue rapprochée de la face du sympétrum intime de la "Photo-1" |
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(Photo-3) Vue rapprochée de la région anale de l'aile postérieure et du hamule du sympétrum intime de la "Photo-1" |
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(Photo-4) Vue rapprochée de la région anale de l'aile postérieure et du hamule du sympétrum intime de la "Photo-1" |
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(Photo-5) Vue rapprochée de la région anale de l'aile postérieure et du hamule d'un mâle adulte de sympétrum intime - Sympetrum internum - 19 septembre 2015 à Fossambault-sur-le-lac |
Je crois important d'amener quelques précisions sur la forme du hamule et du lobe épineux que l'on voit sur les différentes images présentées dans ce document. D'abord il est primordial que l'insecte soit perpendiculaire à l'appareil photo, ce qui s'avère la plupart du temps déjà assez difficile. Par la suite, on doit apporter des micro-ajustements à la position de l'insecte pour que le hamule et ULTIMEMENT le lobe épineux se retrouve dans le bon plan et parfaitement perpendiculaire à l'appareil photo. Croyez-moi, c'est tout un défi!
Voyez comment un très léger changement de plan (bien involontaire de ma part) peut changer la forme du hamule et du lobe épineux sur les photos 3 et 4, du même insecte, prisent à quelques secondes d'intervalles. Sur la photo-3, la photo est prise légèrement en angle alors que sur la photo-4, malgré un léger flou de bouger, l'angle est déjà mieux et le lobe épineux en avant plan se précise.
La photo-5 est celle qui représente le mieux la forme digitée du lobe épineux d'un sympétrum intime et malgré tout on perçoit qu'il n'est pas encore parfaitement perpendiculaire au plan de la caméra. De beaux défis pour 2017!
Je tiens à remercier Guy Lemelin et Michel Savard pour leur précieuse contribution à ce document.
Alain Côté